Sommaire

Résumé

L’enquête est consacrée à l’évolution de l’ordre de Cluny dans les provinces clunisiennes de Lyon et de Provence ainsi que le vaste diocèse de Besançon, soit au total plusieurs centaines de dépendances. Au milieu du XII^e siècle, Pierre le Vénérable (mort en 1156) jette les bases, avec ses Statuts, de ce qui va devenir l’Ordo cluniacensis (« Ordre de Cluny  ») au début du siècle suivant. En attendant, il doit faire face à une situation économique critique et à la montée des oppositions. Au terme du large tour d’horizon qu’offre la première partie de l’ouvrage (Cluny à la mort de Pierre le Vénérable, chap. I-VI), Cluny apparaît donc comme fragilisé, mais n’est pas complètement désarmé, loin de là, dans les mutations du temps.

L’étude distingue ensuite deux grandes périodes, structurées chacune en sept chapitres de part et d’autre des années 1290. L’analyse du réseau clunisien met en effet en lumière une phase de « repli », puis deux siècles de crises qu’il ne faut pas considérer de façon monolithique et sans nuances. Incontestablement, à la mort de Pierre le Vénérable, Cluny entre dans une nouvelle phase de son histoire, comme le montre la succession même de ses vingt abbés jusqu’en 1295. Toutefois, ces derniers semblent avoir eu une action plutôt bénéfique, avec la promulgation de statuts qui structurent désormais l’empire clunisien autour de son chapitre général annuel et insistent de plus en plus sur les aspects disciplinaires pour lutter contre le relâchement. C’est cependant la situation temporelle qui pose problème au cours de cette période : Cluny vit au-dessus de ses moyens et l’on vit sur les moyens de Cluny, le pape ayant lui-même une large part de responsabilité dans l’endettement croissant de l’abbaye-mère.

Au début du XIV^e siècle, les évolutions antérieures se confirment. Passées les turbulences du premier tiers du siècle et les trois décennies d’embellie que connaissent les maisons provençales à partir de 1340, les années 1370-1380 inaugurent une période de récession marquant une véritable rupture dans l’histoire clunisienne. L’ordre souffre des fléaux du temps, la guerre, la peste, mais aussi les fiscalités royale et surtout pontificale. Aux mesures disciplinaires contre le relâchement auraient dû s’ajouter des réformes structurelles visant à faire face, concrètement, aux difficultés économiques, et les abbés ont désormais un poids trop faible face à la papauté centralisatrice et à une royauté avec laquelle les relations s’estompent. En définitive, le sentiment qui domine est bien moins celui d’une « décadence » clunisienne due à un relâchement croissant et généralisé, que d’une sorte de Realpolitik de la papauté, qui ponctionne l’abbaye et use largement de ses prieurés pour sa politique bénéficiale. Entre facteurs endogènes et exogènes, on n’en finirait pas de détailler ce qui a pu faire, du XV^e siècle clunisien, « un long marasme » (p. 593). La tentative de réforme de Jean III de Bourbon, en 1458, arrive trop tard.

Points forts

• La période étudiée, moins bien connue que les temps de splendeur, alors que les enquêtes consacrées au monde monastique médiéval focalisent très majoritairement sur le Moyen Âge central (X^e-XII^e siècles).

• Un tableau de la réalité d’un ordre monastique, fait de petites communautés (moins de cinq moines dans la grande majorité des maisons clunisiennes du XIII^e siècle) qui apparaissent « davantage comme des centres de petites exploitations rurales que comme des lieux de vie monastique » (p. 298).

Utilisation possible dans les programmes scolaires

LV