Sommaire

Résumé

Cet ouvrage majeur est un recueil de huit textes consacré à la notion de sacrifice dans les sociétés africaines. À la suite des travaux traitant du sacrifice en Inde (M. Biardeau & C. Malamoud) ou dans la Grèce antique (M. Detienne & J.P. Vernant, J.-L. Durand), il s'inscrit dans la lignée du texte fondateur d’Henri Hubert et Marcel Mauss (1899). Dans le prolongement des recherches publiées dans les Cahiers Systèmes de pensée en Afrique noire, il en propose à la fois un bilan et un repérage des pistes à suivre pour parvenir à la compréhension de rites souvent déroutants au premier abord. Chaque texte présente un pan caractéristique ¬ ou tout du moins un angle de recherche particulier ¬ du sacrifice en Afrique. Tous ont en commun une même approche : ce n'est qu'en observant au plus près et dans tous leurs détails la foisonnante diversité des rites sacrificiels, en dehors de cadres interprétatifs donnés d'avance, que l'on peut en saisir, en chaque société, la logique et les articulations avec d'autres institutions. Ce faisant, l'ensemble redessine les contours de l'institution du sacrifice en Afrique. L’introduction s’éloigne des principales idées reçues en la matière, comme celle qui définit le sacrifice uniquement par l’acte de mise à mort d’un animal. M. Cartry rappelle que celui-ci « ne peut être dit sacrificiel que s’il vient défaire des liens qui sont tissés lors du procès rituel entre l’animal (cette fois victime) et un, ou plusieurs, des personnages engagés dans le rite » (p. 8). On comprend l’attention que demande la lecture d’un tel ouvrage qui, une fois apprivoisé, s’avère extrêmement riche de considérations méthodologiques et épistémologiques.

Suivant le fil conducteur esquissé en introduction, les auteurs se concentrent sur le contexte, le déroulement et la logique des rituels. Une attention toute particulière est donc portée sur la mise en scène de l’espace sacrificiel ¬ dans sa dimension corporelle, gestuelle, rhétorique ¬ ainsi que sur l’identité et la qualité des différents protagonistes qu’ils soient victime, sacrifiant et/ou sacrificateur. L’étude de ces différentes dimensions  permet de reconstruire et de questionner la manière de faire ou défaire les liens entre les différentes « instances » présentes sur la scène sacrificielle.

Le texte de Philippe Jespers (« Le masque appeleur ») s'intéresse au rituel de dation du nom chez les Minyanka du Mali, et notamment sur la relation entre le sacrifiant et les victimes sacrificielles. Guy Le Moal (« Le sacrifice comme langage ») analyse les classifications qu'établissent les Bobo du Burkina Faso entre différentes catégories de sacrifice rapportées aux espèces, sexe et couleurs des victimes animales. Alfred Adler (« Royauté et sacrifice chez les Moundang du Tchad ») étudie la relation entre pouvoir et sacrifice. Michel Cartry, quant à lui, livre un texte extrêmement dense, « Le suaire du chef »). Dans cet article, il interroge le statut du chef chez les Gourmantché du Burkina Faso en rapport avec son statut de sacrificateur exclusif du taureau, animal à lui réservé et qui est en partie son double. Il observe une distinction entre deux destinataires du sacrifice - les ancêtres et les génies. Jean Pouillon dans son article « Du sacrifice comme compromis », étudie les sacrifices que les Dangaleat du Tchad font à des génies de lieu qu'ils considèrent comme néfastes. Odile Journet étudie  la spécificité des rituels sacrificiels exécutés par les femmes (« Le sang des femmes et le sacrifice : l’exemple joola ». András Zempléni (« Des êtres sacrificiels »)  analyse la relation entre transe, possession et sacrifice. Enfin, la contribution de Rosita De Selva dresse une riche bibliographie sur le thème du sacrifice.

Points forts

Il s'agit d'une recherche d’envergure sur les multiples facettes du sacrifice en Afrique subsaharienne.

• On y trouve une vaste bibliographie critique et analytique sur les rituels et le sacrifice en Afrique (349 ouvrages cités).

• De l'ouvrage se dégage une ligne épistémologique et méthodologique forte se démarquant des projets classiques en sciences humaines.

N. A.