Sommaire

Résumé

La thèse défendue est celle d’un véritable « tournant démonologique » (p. 12) intervenu au début du XIV^e siècle. Alors que jusqu’ici l’Église avait considéré les pratiques magiques comme de vaines superstitions et le pouvoir du diable comme limité à des illusions, s’affirma désormais la croyance dans la réalité des pratiques sataniques et l’existence efficace du Sabbat, la cérémonie des sorciers. Ce phénomène pose une interrogation majeure liée à la formation, au sein d’élites intellectuelles imprégnées de rationalisme théologique, de croyances nouvelles et partagées que l’on qualifierait aujourd’hui de « fanatiques » et « obscurantistes ». L’A. répond en montrant la conjonction de deux thèmes anciens ayant acquis au XIII^e siècle une nouvelle actualité, le pacte avec le diable et la possession. Issue de cette conjonction, la préoccupation obsédante des démons déboucha sur l’émergence de la démonologie en tant que discipline autonome lors du pontificat de Jean XXII ; dans le même temps, une mutation de la procédure assimila les invocations du démon et la sorcellerie au crime d’hérésie. Ce dernier, contrairement à treize siècles de tradition chrétienne, ne relevait désormais plus seulement de l’opinion, mais aussi des actes (chap. 1). Les travaux d’une commission réunie par Jean XXII en 1320 afin de fournir des fondements doctrinaux à ces mutations les éclairent avec une particulière acuité, puisqu’ils dévoilent les schémas de pensée ayant conduit à la définition de véritables « anti-sacrements » utilisés, en exacts opposés du baptême et de l’eucharistie, par les adorateurs de Satan. Sur ce chemin, l’A. scrute particulièrement les théories de l’un des membres de la commission, le franciscain Enrico del Carretto, qui appliqua la théologie du pacte au rite satanique (chap. 2), avant de s’intéresser aux significations et enjeux du pacte dans les sociétés du Moyen Âge central. L’enquête vise alors à mieux cerner comment s’élabora l’idée d’un « pacte fort » et efficace avec le diable, dans un climat d’obsession du complot (chap. 3). Calqué sur le pacte sacramentel, le pacte satanique impliquait un agent et des patients. Les capacités du premier — le diable et ses acolytes — font ainsi l’objet du chapitre 4, qui réévalue l’importance de la longue question sur les démons rédigée par Thomas d’Aquin dans son traité Sur le mal ; suivie rapidement d’autres textes, elle participa à l’élaboration d’une démonologie scolastique. Quant aux patients, ils sont abordés dans les trois chapitres consacrés à la possession et à l’anthropologie nouvelle qui s’exprime à travers elle. L’A. choisit d’examiner les procès de canonisation du début du XIV^e siècle (chap. 5), puis de scruter deux paradigmes : à travers la figure du somnambule, celui des « êtres faibles » manifestant une « béance du sujet » (chap. 6), puis celui des « gardiens de frontières », les mystiques dont le ravissement divin, l’autre possession, présentait le miroir de la possession diabolique (chap. 7).

• Domaine : christianisme

• Sous-domaines : Catholicisme. Moyen Âge. Clergé. Représentations collectives et mentalités. Pratiques religieuses. Croyances. Théologie. Liturgie.

• Profil : Ouvrage spécialisé

Points forts

• L’A. entend montrer que « la hantise du diable ne constitue pas un aspect essentiel du christianisme médiéval, mais qu’elle a émergé assez soudainement entre 1280 et 1330 » (p. 10)

• Une enquête rigoureuse sur l’origine d’une longue séquence de persécutions meurtrières, la grande chasse aux sorcières des XV^e-XVII^e siècles, et les racines inquiétantes de notre modernité.

Utilisation possible dans les programmes scolaires