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BALASSE Céline, 1306. L’Expulsion des juifs du royaume de France, Bruxelles, Éditions de Boeck, 2008, 392 p.

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Notes bibliographiques, illustrations, annexes

Sommaire

Résumé

L’auteur livre une enquête rigoureuse et passionnante sur les modalités d’exécution de l’expulsion des juifs du royaume de France par Philippe le Bel en 1306. En l’absence de l’édit d’expulsion, dont on ne connaît ni la date exacte, ni le contenu, L’auteur mobilise les archives de la Chancellerie royale qui livrent plusieurs dizaines d’actes relatifs aux saisies et aux recouvrements de dettes contractées auprès des prêteurs juifs. Ces actes ont été opérés entre 1306 et le milieu des années 1320 et couvrent presque tout le territoire concerné par la décision royale. Les données financières sont complétées par les archives judiciaires, celles du Parlement de Paris et de la Cour du roi, qui révèlent les conflits de juridiction entre le souverain et les seigneurs laïcs et ecclésiastiques qui contestent les transferts de propriété à la Couronne des biens des juifs expulsés à partir du 22 juillet. L’auteur montre en effet, à travers quatre parties et dix-huit chapitres, que les motifs religieux de l’expulsion mis en avant par la propagande royale dissimulent, en réalité, des objectifs d’une autre nature, économique d’abord, mais surtout politique. À l’aube du xive siècle, le roi de France n’est pas encore reconnu comme l’unique propriétaire des biens des juifs du regnum Francie. Il est en conflit avec plusieurs seigneurs, ecclésiastiques, comme l’évêque de Maguelone ou l’abbaye de Lagrasse, et laïcs, tels que Bernard Jourdain ou Jaime Ier, roi de Majorque et comte de Roussillon. Si la saisie des biens et des créances des juifs semble combler le trésor royal de manière substantielle (tableau p. 202), le premier objectif de la Couronne est de renforcer l’autorité du roi, y compris dans les marges du royaume dominées par de puissants seigneurs quasi indépendants, à l’instar du comte de Flandre ou de Bernard Jourdain, l’un des plus puissants seigneurs du Languedoc. Aussi l’expulsion de 1306 marque-t-elle un tournant significatif dans l’histoire de l’affirmation de l’autorité royale. Face aux seigneurs, le roi réussit à s’imposer comme le seul propriétaire des biens des juifs sur l’ensemble de son domaine.

Points forts

  • L’ouvrage fait incontestablement date dans l’historiographie des expulsions des juifs au Moyen Âge. L’auteur rompt avec une approche linéaire et téléologique et s’éloigne des topoï de la littérature juive contemporaine, comme de celle qui a suivi l’expulsion. Elle écarte ainsi la question religieuse traditionnellement sollicitée pour expliquer la décision de Philippe le Bel et se garde de conclure à un antijudaïsme exacerbé qui aurait connu son paroxysme en France à l’aube du xive siècle. En effet, l’Église désapprouve la mesure, d’autant que la moitié des seigneurs auxquels s’oppose le roi dans cette affaire sont des ecclésiastiques. Par ailleurs, le peuple lui-même ne cache pas les désagréments liés à l’expulsion.

  • L’auteur ne néglige pas l’importance du motif économique parmi les causes de l’expulsion. Ses calculs montrent que les saisies auraient représenté, de 1306 à 1311, 16 à 17% par an des revenus de la Couronne. Mais à quel prix ? La durée des opérations de saisie et de recouvrement des dettes, les tâtonnements dans la gestion, liés à d’inévitables dysfonctionnements, et la mobilisation d’un personnel nombreux (près de 10% de l’administration royale de l’époque) ont eu un coût que la Couronne s’est montrée prête à assumer. L’expulsion semble donc d’abord avoir été conçue comme un investissement destiné à affirmer l’autorité du roi sur tout son domaine.

  • La force de la thèse de l’auteur est de souligner que le sujet ne touche pas exclusivement à l’histoire des juifs. Pour la première fois, l’expulsion est envisagée comme un fait significatif de l’histoire du pouvoir monarchique en France. Elle est peut-être un autre indicateur des avancées de l’autorité royale sous les derniers Capétiens, à moins qu’elle ne constitue une tentative supplémentaire de favoriser l’intrusion du pouvoir royal dans les droits des grands seigneurs du royaume.

JS

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Référence du document

Recension : « Sibon Juliette, Balasse Céline, BALASSE Céline, 1306. L’Expulsion des juifs du royaume de France, Bruxelles, Éditions de Boeck, 2008, 392 p. » 2009, , IESR - Institut d'étude des religions et de la laïcité , mis à jour le: 12/16/2016, URL : https://irel.ephe.psl.eu/ressources-pedagogiques/comptes-rendus-ouvrages/balasse-celine-1306-lexpulsion-juifs-du-royaume

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